Depuis plusieurs décennies l'investigation scientifique se trouve au cœur des prescriptions et des recherches en didactique des sciences. Les pratiques enseignantes ne semblent cependant pas parvenir à améliorer les faibles résultats des élèves français dans cette discipline. Dans une perspective d'amélioration des processus d'enseignement-apprentissage en sciences nous analysons le rôle de l'enseignant dans la transposition du savoir visé au savoir enseigné.
Nous reconstruisons l'activité enseignante réelle (Clot et Faïta, 2000) afin de mieux comprendre le traitement didactique des indices relevés en situation de classe, par un professeur des écoles expérimenté, en situation d'enseignement-apprentissage des sciences fondé sur l'investigation (EASFI). Pour cela, nous articulons un modèle des intentions (Portugais, 1998) au modèle du schème (Vergnaud, 1994), autour de la notion d'indices pris en compte par l'enseignant pour agir (Jameau, 2021).
Notre méthodologie repose sur une approche phénoménologique du didactique. L'étude de cas présentée porte sur une séance relative aux propriétés de la matière en CM2. La séance, filmée, est précédée d'un entretien visant la reconstruction des intentionnalités du professeur. Un second entretien, post vidéo, fait émerger les commentaires de cet enseignant expérimenté sur sa propre activité et permet de reconstruire ses dynamiques intentionnelles, c'est-à-dire la manière dont ses Intentionnalités s'actualisent en situation de classe et au regard de quels indices.
Nos résultats montrent que la rencontre des conditions de satisfaction de certaines intentionnalités de l'enseignant empêche celui-ci de prendre conscience qu'il ne s'appuie pas sur les indices perçus pour mettre au travail le savoir conceptuel initialement visé. Ces résultats mettent également en lumière la centration de l'enseignant sur des savoirs méthodologiques, alors qu'il souhaitait (et pense) faire construire des savoirs conceptuels. L'enseignant, bien qu'expérimenté, ne semble donc pas percevoir que la nature des savoirs enseignés est très différente de la nature des savoirs visés.
La reconstruction des dynamiques intentionnelles d'un enseignant, par la mise en relation étroite entre les buts visés, les moyens mis en œuvre pour atteindre ces buts et les résultats obtenus, pourrait donc s'avérer prometteuse pour aider ce-dernier à mieux conceptualiser son activité en situation d'EASFI et ainsi développer son pouvoir d'agir sur l'efficacité des processus d'enseignement-apprentissage qu'il mobilise.
Bibliographie :
Clot Y., et Faïta, D. (2000). Genre et styles en analyse du travail, concepts et méthodes. Travailler, 4, 7-42.
Jameau, A. (2021). Un cadre didactique d'analyse de l'activité d'enseignement de la physique. Mise en relation d'éléments théoriques et méthodologiques en didactique de la physique et en didactique professionnelle [Note de synthèse pour l'Habilitation à diriger des recherches, Université de Bretagne Occidentale]. HAL. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03331240/
Portugais, J. (1998). Esquisse d'un modèle des intentions didactiques. Dans J. Brun, F. Conne, R. Floris et M.-L. Schubauer-Leoni (dirs.), Interactions didactiques, Méthodes d'étude du travail de l'enseignant (pp. 57-88). Presses Universitaires de Genève.
Vergnaud, G. (1994). Le rôle de l'enseignant à la lumière des concepts de schème et de champ conceptuel. Dans M. Artigue et R. Gras (dirs.), Vingt ans de didactique des mathématiques en France. Hommage à Guy Brousseau et à Gérard Vergnaud (p. 177-191). La Pensée Sauvage.