La polysémie du terme citoyenneté, au-delà des principes communs partagés et associés aux valeurs de la République, donne lieu à des conceptions et des mises en œuvre hétérogènes de l'apprentissage de la citoyenneté au lycée qu'il soit général et technologique que professionnel. Ces différences sont certes liées aux différentes orientations mais semblent également dues aux formations dispensées aux enseignants et à leurs trajectoires.
Si l'apprentissage de la citoyenneté civile et politique est relativement homogène notamment en EMC, la citoyenneté sociale (droits sociaux et économiques) abordée aussi dans d'autres disciplines, semble donner lieu à un traitement différencié. Pourtant, comme l'évoque Robert Castel, la citoyenneté sociale participe pleinement de la démocratie des sociétés et sa négligence peut conduire à menacer cette dernière.
Alors que l'apprentissage de la citoyenneté est fortement valorisé par l'institution et les politiques publiques d'éducation, il ne permet pas un accès équivalent à l'ensemble des élèves en fonction du type de filière suivi. Or, au-delà du choix de formation des élèves, en lycée général et technologique ou en lycée professionnel, tout individu accédera à la citoyenneté et disposera de droits et de devoirs égaux.
En ce sens, comment les acteurs de l'éducation nationale conçoivent et abordent, dans leurs pratiques professionnelles, cet apprentissage de la citoyenneté sociale en fonction de quelles variables ?
Ce questionnement me conduit à interroger l'apprentissage de la citoyenneté sociale par le prisme de l'acquisition de la connaissance des devoirs et de l'accès au droit. Or le droit ne va pas sans ambiguïté, comme le souligne Jacques Faget, de par la « coexistence d'une double évocation au singulier et au pluriel de l'accès au(x) D(d)roit(s) » La première étant entendue comme l'accès au droit devant la justice et les institutions et recouvre la prise de conscience, la connaissance l'exercice du droit et des obligations. La seconde, correspond « aux droits fondamentaux pour tous, un accès sans entrave aux dispositifs de droit commun et institue la notion de “ droits créances ” (de se nourrir, de se loger, d'éducation, à la santé...) au profit de tous »
Le travail de recherche que je mène vise à analyser la conception qu'ont les personnels de l'éducation nationale de la citoyenneté sociale, les ressources dont ils disposent et les contextes professionnels qui les conduisent ou non à favoriser, auprès de leurs élèves, l'apprentissage des droits sociaux et économiques adossés à la citoyenneté sociale (T.H.Marshall 1950).
L'hypothèse centrale de cette communication repose sur le maintien ou la reproduction des inégalités scolaires dans la vie sociale future des élèves, faute d'orientations axées sur cette dimension sociale de la citoyenneté.
La méthodologie choisie s'appuie sur des entretiens, des observations et l'étude des curriculums. Elle concerne des enseignants d'histoire-géographie, lettres-histoire, sciences économique et sociale, EMC, économie et droit, économie et gestion et prévention santé environnement.
Castel, R. (2008). La citoyenneté sociale menacée. Cités, 35(3), 133‑141.
Faget, J. s. d. « Accès au droit et pratiques citoyennes Les métamorphoses d'un combat social ». 14
Marshall T.H., (1950), Citizenship and Social Class and Other Essays, Cambridge, Cambridge University Press.