Les communications > Par auteur > Laulan Hélène

Nous souhaitons dans un premier temps revenir sur ce que signifie manquer de culture technologique comme l'a pointé Gilbert Simondon. Simondon nous alerte en nous montrant que le souci de notre civilisation technologique, c'est notre manque de culture technologique. Nous naissons au milieu d'objets technologiques sans apprendre à les connaitre, comme si le fait que ces objets aient été produits par des êtres humains nous dispensait de leur considération ou plutôt comme si leur origine humaine nous les rendait spontanément connaissables, comme si la capacité que nous avons de leur usage nous exemptait d'en connaitre la nature. Deux questions se posent alors : pourquoi cette ignorance est dommageable ? & qu'est-ce que c'est qu'acquérir une culture technologique ? Nous aborderons la place de la technologie dans nos vies humaines, le cyborg dans la pensée de Dona Haraway, le risque de disruption pointé par Stiegler, le danger potentiel des objets dont l'apparente évidence éloigne le sens critique.

Dans un deuxième temps, nous souhaitons poursuivre la réflexion portée sur l'inculture technologique en l'ouvrant à une inculture plus générale de toutes les techniques du vivant : si nous sommes ignorants de la nature des objets qui peuplent notre environnement, nous sommes tout aussi ignorants des êtres qui nous entourent, nous sommes même ignorants de nos propres corps, en fait nous sommes ignorants tout court. La culture mise en avant privilégie-t-elle alors des connaissances inutiles ? La vraie culture n'est-elle pas à la fois technique de la nature & technique des corps ? Nous tenterons un renversement des paradigmes épistémologiques, notamment en reconsidérant les sens primaires & moins considérés qui nous mettent en relation avec le vivant : le toucher, le goût & l'odorat.

Enfin, dans un dernier temps, nous tenterons de développer la simplicité & les évidences qui échappent à notre éducation. C'est en prenant conscience de la nature non neutre des objets techniques que nous utilisons, de leur « magie », de leur intelligence, de leurs valeurs & du dévoiement orchestré par le désir de spéculation que nous pourrons comprendre & construire un monde vivable. L'enjeu serait alors de faire de la culture un bien commun pour que les techniques soient aussi des biens communs aux valeurs libératrices. Nous nous appuierons sur les méthodes de l'ethnologie qui nous enseignent que ça ne sert à rien d'apprendre les mots, de noter ce qui arrive & de rester à l'extérieur car la culture s'acquière de l'intérieur, en faisant avec. Nous chercherons des pistes à défricher ensemble pour reconquérir la culture comme un bien commun à partir de la participation & de la methexis.